Sans titre, extrait de la série Bifröst, 2016, impression quadrichromie sur autocollant transparent contrecollé sur plexiglas, 20 x 30.5 cm x 23 cm, éd. 3/3 + 2 EA
 
Ce travail a été réalisé pendant une résidence en Islande. Afin de poursuivre mes petits arrangements avec le surnaturel, je suis partie sur les traces du syncrétisme religieux, des peuples cachés, des esclaves irlandais et des cultes païens.
Lors du voyage, afin de me distancier de clichée trop présents, je me suis dirigée vers le ciel.
J’y ai trouvé toutes les couches d’histoire qui m’avaient captivé lors de mes recherches : ce sont donc ces cieux que les vikings contemplaient! En réponse, j’ai numérisé le ciel à plusieurs reprises.
En plus d’enregistrer et de produire une image, la machine m’a permis de sonder, d’envoyer un signal lumineux dans cette étendue céleste.
Il en résulte des images tramées, superpositions de couches atmosphériques, mille-feuilles de croyances, strates de chairs, suscitant à la fois menace et espoir.
 
«…Ainsi l’installation Bifröst, 2016, de Shannon Guerrico, renvoie aux fameux Equivalents du pionnier de la photographie Alfred Stieglitz. L’approche sérielle de ces vues de ciels d’Islande rappelle les trois cent cinquante clichés de ciels nuageux du photographe américain qui concevait chaque épreuve l’équivalent d’un état intérieur. Dans une démarche similaire, Guerrico transcende la réalité en tentant de saisir le surnaturel qui habite ce territoire. Dans la mythologie nordique, le Bifröst est un arc-en-ciel qui relie la Terre aux autres mondes. Pour donner corps à ce récit, elle imprime sur plexiglas ses ciels et rejoue leurs variations lumineuses et indéfinissables à travers la transparence du support…»
Véronique Souben, Vers une abstraction «pure» : paysage argentique et révolution numérique, La photographie à l’épreuve de l’abstraction, p. 137, Hatje Cantz, 2020
 
 
La photo à l’épreuve de l’abstraction, FRAC Normandie Rouen, Soteville-lès-Rouen, FR
 
Au Frac Normandie Rouen, deux axes bien distincts sont privilégiés. Un premier temps amorce l’apparition d’une sorte d’archéologie de la photographie, d’une quête de l’image originelle, de ses épreuves scientifiques jusqu’à l’apparition d’une iconographie propre à la photographie argentique que ce soit à travers les First Successful Permanent Photographs de Pauline Beaudemont ou les plaques daguerréotypes réutilisées par Hanako Murakami. Cette recherche se prolonge à travers des développements purement formels (les papiers froissés de Walead Beshty, les plaques translucides de Barbara Kasten) qui trouvent leur pleine expression dans les espaces du CPIF.
 
Par opposition, un deuxième mouvement rassemble – toujours au Frac – des artistes dont la quête d’abstraction passe par des approches avant tout liées aux procédés technologiques. Si, dans la lignée du photographe américain Alfred Stieglitz et des peintres impressionnistes, une référence à la nature et au paysage abstrait se fait encore sentir chez Shannon Guerrico et Taysir Batniji, une nouvelle esthétique voit le jour davantage motivée par les plus récentes possibilités technologiques que donnent à voir les pixels d’Adrian Sauer (Schwarze Quadrate) ou les diagrammes algorithmiques de Thomas Ruff (Zycles). Les techniques liées à l’impression chez Wade Guyton, Evariste Richer et Pierre-Olivier Arnaud comme la création de programmes informatiques des plus performants et détournés pour Stan Douglas et Xavier Antin permettent aux photographes de développer un nouveau langage, sans plus de référent apparent au monde matériel.
La photographie semble alors avoir acté son basculement définitif dans le « purement abstrait ».
 
Commissariat Nathalie Giraudeau, Audrey Illouz, Véronique Souben
avec Ignasi Aballí, Dove Allouche, Anne-Camille Allueva, Xavier Antin, Pierre olivier Arnaud, Driss Aroussi, Mustapha Azeroual, Silvia Ballhause, Uta Barth, Taysir Batniji, Eric Baudart, Lionel Bayol-Themine, Pauline Beaudemont, Jean-Cristophe Béchet, Camille Benarab-Lopez, Jesús Alberto Benítez, Walead Beshty, Juliana Borinski, Broomberg & Chanarin, Michel Campeau, Marieta Chirulescu, David Coste, Liz Deschesnes, Stan Douglas, Philippe Durand, Jan Paul Evers, Nicolas Floc’h, Marina Gadonneix, Ryan Gander, Jean-Louis Garnell, Isabelle Giovacchini, Paul Graham, Shannon Guerrico, Wade Guyton, Lukas Hoffmann, Karim Kal, Barbara Kasten, Anouk Kruithof, Isabelle Le Minh, Zoe Leonard, Chris McCaw, Matan Mittwoch, Roman Moriceau, Hanako Murakami, Constance Nouvel, Lisa Oppenheim, Aurélie Pétrel, Diogo Pimentão, Steven Pippin, Eileen Quinlan, Silvana Reggiardo, Sébastien Reuzé, Evariste Richer, Meghann Riepenhoff, Sarah Ritter, Alison Rossiter, Thomas Ruff, Bettina Samson, Adrian Sauer, Doriane Souilhol, Zin Taylor, Laure Tiberghien, Wolfgang Tillmans, Thu-Van Tran, Francisco Tropa et James Welling.
26.9.2020 – 21.11.2021
FRAC Normandie Rouen