Shall we?, 2021 terre de modelage, dimensions variables
 
“…They were angry with the man
Cause he changed their way of life
And they take their sweet revenge
As they trample throught the night ….”
 
En lisant les paroles de la chanson jointe à l’invitation, j’ai eu un flashback.
Un soir d’été, occupé à la contemplation du jardin, mon œil a soudainement été attiré par une forme et une couleur irrégulière dans le tapis d’herbe. Il s’agissait d’une limace. Le regard affuté par cette découverte, j’en ai repéré une seconde, puis une troisième et cela a continué au point de ne plus pouvoir les dénombrer. Cette vision a suscité en moi une forme d’effroi : l’ennemi du jardinier, cet animal gluant, l’envahisseur qui allait tout dévaster sur son passage… Mon ressenti a rapidement évolué lorsque l’idée d’un parallèle avec l’humain m’a percuté : et si c’était nous les limaces ?
Cette procession de gastéropodes en terre découle donc de cette expérience.
Leur blancheur rappelle la délicatesse de la porcelaine. La facture, plutôt enfantine et caricaturale, évoque quelque chose de l’ordre du comics. Cette forme permet de rendre certaines de ces créatures presque attachantes alors que leur nombre fait persister un sentiment de tension.
Symboliquement, la représentation de cet animal convoque des notions diverses et parfois antagonistes telles que l’attraction, la répulsion le nomadisme, l’apologie de la lenteur, la frénésie, la mollesse, la désinvolture, la vulnérabilité ou encore la nonchalance.
Ce mollusque hermaphrodite peut également être assimilé aux organes génitaux humains (lèvres/phallus) et à la fertilité débordante qui en découle.
Animal mal aimé, la limace est très rarement représentée dans l’art et les arts décoratifs.
Dans un imaginaire collectif, elle est aussi liée à la sorcellerie puisqu’on la retrouve souvent comme ingrédient de potion magique. Par ailleurs, l’anagramme de limace est malice !
Une forme de mysticisme est aussi portée par cette proposition puisque l’élément déclencheur tout comme la destination de cette procession restent énigmatiques. On ne sait quelles forces les appellent ou quels instincts les animent.
Le titre Shall we?, que l’on pourrait traduire par On y va?, fait écho à la volonté de laisser une lecture ouverte. Il sous- tend une action imminente dont la nature exacte reste indéterminée.
 
 
Sans titre, extrait de la série Bifröst, 2016, impression quadrichromie sur autocollant transparent contrecollé sur plexiglas, 20 x 30.5 cm x 23 cm, éd. 3/3 + 2 EA
 
Ce travail a été réalisé pendant une résidence en Islande. Afin de poursuivre mes petits arrangements avec le surnaturel, je suis partie sur les traces du syncrétisme religieux, des peuples cachés, des esclaves irlandais et des cultes païens.
Lors du voyage, afin de me distancier de clichée trop présents, je me suis dirigée vers le ciel.
J’y ai trouvé toutes les couches d’histoire qui m’avaient captivé lors de mes recherches : ce sont donc ces cieux que les vikings contemplaient! En réponse, j’ai numérisé le ciel à plusieurs reprises.
En plus d’enregistrer et de produire une image, la machine m’a permis de sonder, d’envoyer un signal lumineux dans cette étendue céleste.
Il en résulte des images tramées, superpositions de couches atmosphériques, mille-feuilles de croyances, strates de chairs, suscitant à la fois menace et espoir.
 
 
Supernature, Centre d’Art Contemporain d’Yverdon, Yverdon-les-bains, CH
 
Avec Pascal Berthoud, Sarah Carp, Noémie Doge, David Gagnebin-De Bons, Vidya Gastaldon, Shannon Guerrico, Romy Colombe. K, Miguel Menezes, Nusser Glazova, Stefan Rinck, Maya Rochat, Léonie Vanay
27.6 – 12.9. 2021
CACY